Un jour normal dans une guilde de fou (PV :Rin , Pandore)

Marcher. Marcher. Marcher.
Pandore en avait plus qu'assez de marcher. Elle était fatiguée, plus blanche que jamais. Le sommeil et la faim la tenaillaient. Le froid était de plus en plus présent et les souvenirs d'emprisonnement venaient avec lui. La jeune femme frémit. Elle devait se reposer, trouver un endroit où se réchauffer.

Du haut d'une colline, elle embrassa une ville du regard. Voilà une éternité qu'elle n'avait plus foulé le sol d'un village. Un petit soupir franchit ses lèvres alors qu'elle se rapprochait. Beaucoup de maisons, beaucoup de personnes. Pandore était partagée entre la crainte d'être reconnue et celle d'être totalement oubliée.

La surprise fut agréable.
En pénétrant dans la ville, les regards se tournèrent vers elle comme autant de mouches attirées par du miel. La jeune femme n'était pas particulièrement impressionnante, ni belle, ni laide, un physique agréable mais commun, pourtant elle attirait l'oeil irrémédiablement. Sa démarche, sa manière de se tenir étaient différentes des autres. Elle dénotait dans le paysage, comme un fantôme, blanche et inquiétante. Une bulle de vide l'entourait, un périmètre dans lequel personne n'osait s'aventurer. Inconsciemment, chaque personne dans ce cercle s'écartait, pour le laisser intact.

Pandore le remarqua après avoir arpenté quelques rues. Elle sourit doucement, mélancolique. Cela au moins, n'avait pas changé. Si sa magie était atrophiée, son être était intact et avec lui, tout ce qu'elle représentait. Elle se félicita d'avoir conservé son aura et heureuse de constater qu'elle produisait toujours le même effet.

Désir ou crainte, elle le lisait dans les yeux des passants. Envie ou jalousie, également.
Mais tout ceci n'eut plus aucune importance à ses yeux lorsqu'elle déboucha devant un grand bâtiment, frappé du sceau d'une guilde et de son nom. Sabertooth. Depuis l'extérieur, l'ancienne impératrice capta le bruit qui s'échappait des lieux. Y avait-il beaucoup de mages ici ? Comment était-ce l'ambiance d'une guilde ?

Pandore hésita. Devait-elle entrer ? Elle se rappela alors qu'elle n'appartenait plus à aucune guilde désormais. La curiosité l'emporta aussitôt et la poussa à entrer avec toute sa prestance dans la salle. Nombreux furent ceux qui la regardèrent avec plus ou moins d'intérêt et de surprise, mais personne ne l'interpella.

La jeune femme alla plus avant dans la salle, observa et choisit de s'installer à une table libre. Peu de temps après, alors qu'elle suivait à distance une conversation entre deux mages, une jeune demoiselle l'aborda. C'était une serveuse. Pandore lui expliqua alors son problème : elle était affamée mais n'avait rien pour payer le repas puisqu'un mage noir lui avait volé tous ces biens, argent compris, quelques jours plus tôt. La serveuse parut ennuyée et lui proposa de lui ramener un repas ; pour le payement, elles verraient après. Pandore la remercia de sa charmante attention et attendit son retour.

Retour qui n'arriva pas, puisqu'une bagarre se déclencha dans les cuisines, pour migrer dans la pièce principale. Deux hommes se battaient comme des chiffonniers pour elle ne savait quoi. Elle les trouva immédiatement d'un pathétique hors du commun et sentit sa rancoeur remonter contre le genre humain. Certaines blessures étaient profondément ancrées en elle. A tel point qu'elle ne put réprimer une remarque, qu'elle pensa anodine.

~ Voilà ce que sont devenues les guildes aujourd'hui... C'est lamentable.

Malheureusement pour la belle, sa voix douce avait porté plus que désiré et les deux mages avaient cessé de combattre pour la fixer, comme décontenancé par son regard pourpre aussi cassant que la glace et sa réflexion. Tout se passa ensuite très vite et sans que Pandore n'y comprenne trop rien. A vrai dire, tout ce qu'elle sentit fut une cuisante douleur à l'abdomen.

Elle étouffa un glapissement de douleur et ses traits se déformèrent sous le choc. Il lui fallut quelques instants pour retrouver ses esprits et comprendre ce qui venait de se passer. Un des belligérants avait envoyé le second sur elle. Dans sa chute, il l'avait entraîné se fracasser contre une table qui n'avait pas résisté au choc.

Pandore avait le souffle coupé et peinait à le reprendre. Chaque inspiration lui causait d'affreuses douleurs. De blanche, la jeune femme était passée à cadavérique. Ses longs cheveux noirs coulaient dans son dos et autour de ses épaules, lui donnant l'aspect de quelques esprits frappeurs. Elle se redressa, se leva mais la douleur l'étourdit et elle retomba à genoux par terre, parmi les débris de la table. Pliée en deux, elle se tenait les côtes.

Plus rien ne comptait que sa douleur. Une côte fêlée et un vilain hématome pour marbrer sa peau diaphane.

~ V... vous êtes fous... hoqueta-t-elle.

Les larmes coulaient lentement sur son visage. Elles étaient chaudes, salées. Pandore les trouva agréable même si elles obstruaient sa vue. Blessée et en pleurs, elle ne perdait rien de sa superbe. Les deux hommes devaient se sentir bien mal de l'avoir amochée pour une simple remarque. Ils n'avaient plus qu'à réparer leur bêtise désormais ou l'on risquait de leur en vouloir longtemps. Frapper -même involontairement- une inoffensive jeune femme et la blesser sérieusement alors qu'elle était venu demander un repas chaud et un toit pour passer la nuit : la réputation de Sabertooth en prendrait un sacré coup...