Ca va faire boum... [terminé]

Sur les coups de midi, Lucy s'arrêta au bord de la route de terre battue qu'elle empruntait. Elle s'installa sur une pierre plate et retira ses chaussures pour s'étirer de tout son long. Plue à ses côtés, la regarda étrangement et imita son geste. Ce qui eut pour résultat de le faire basculer de la pierre, il tomba à la renverse dans l'herbe verte de la plaine. La jolie blonde rit légèrement et fit remonter l'esprit du chien sur le siège improvisé. Elle sortit ensuite de sa besace de quoi se restaurer, jetant un oeil au ciel bleu. Cette étendue claire lui rappelait une grosse couverture, de jour comme de nuit, à ceci près qu'elle était plus jolie avec les milliers de constellations brodées sur son tissus ténébreux.

La jeune fille mangea tranquillement, sans voir l'ombre d'un mage, ni même d'un humain à l'horizon. Puis elle se remit en marche. Cela faisait deux jours qu'elle marchait d'un bon pas pour parvenir à la demeure qu'on lui avait indiqué sur l'affiche. Marcher ne la dérangeait pas, ni même être seule. Au contraire, elle trouvait ce break reposant bien qu'un peu irréel. D'ordinaire, elle partageait ses missions au moins avec Natsu mais ce dernier était déjà occupé le jour où Lucy avait accepté la mission. Elle n'avait pu le trouver de la journée et n'avait pas eu le temps de le chercher plus longtemps. La mission semblait plutôt urgente.

La jeune fille avait donc résolu de partir seule. Elle ne regrettait pas sa décision mais se demandait ce qu'avait bien pu trafiquer Salamander pour ne pas être présent le jour de son départ. Peut-être était-il reparti sur une piste concernant Igneel...

Ce fut en fin d'après midi que la constellationniste arriva devant la maison de son commanditaire. Ou plutôt le manoir. Une demeure traditionnelle japonaise, caractéristique de Hôsenka que Lucy trouvait vraiment très impressionnante. Elle soupira, vérifia qu'elle était présentable malgré ses journées de marches et pénétra dans le jardin de l'imposant bâtiment. Elle passa par un petit chemin de gravier blanc, passant au-dessus d'une petite rivière, contourna quelques plans de bambous vertigineux avant d'arriver enfin devant la porte principal de la maison.

Là, une femme en kimono la salua d'un sourire et la pria d'entrée. La guilde avait visiblement prévenu de son arrivée. Lucy suivit la magnifique majordome de pièce en pièce, tenant ses bottines à la main pour ne pas abîmer le sol tressé. Et puis c'était la coutume ici de ne pas marcher en chaussure à l'intérieur. Et même si on ne le lui avait pas demandé, elle trouvait plus respectueux de se plier aux règles locales.

Le maître de maison l'attendait dans un immense salon. Il était totalement vide, hormis un petit bureau derrière lequel se tenait le bonhomme, vêtu lui aussi d'une tenue traditionnelle. Il s'agissait en fait du maire du village -bien qu'il se fasse appeler "Kami-sama"- par son entourage. Lucy ne comprendrait bien plus tard que le nom du maire était vraiment Kami et qu'il ne faisait donc pas seulement preuve de narcissisme.

~ Bienvenue à Hôsenka, Heartfilia-san. Je suis ravi de voir que vous avez accepté de nous aider. Encore une fois.

L'homme invita la demoiselle à s'installer sur les tatamis.

~ J'espère que vous avez fait bon voyage de Magnolia jusqu'ici.
~ Oui, je suis heureuse de revenir dans votre village! C'est toujours aussi beau et dépaysant, répondit poliment la jeune fille, affichant un charmant sourire.

On était fille de riche commercial ou on ne l'était pas. Lucy l'était totalement et ses petites flatteries semblèrent satisfaire l'homme aux yeux bridés suffisamment pour lui arracher un rire rauque.

~ Bien, bien, bien, trêve de plaisanterie, jeune fille. Après tout, vous n'êtes pas venue pour visiter. Concernant votre mission...

Il fouilla dans ses documents posés en tas ordonnés sur son bureau en acajou laqué et en tira une longue liste qu'il tendit à Lucy. Dessus était inscrit un inventaire précis d'objets magiques, des lacrimas, des armes diverses et autres accessoires ayant tous un lien avec la magie sombre et donc potentiellement dangereuses.

~ Les mages noirs ont volé tout ces objets au cours de la semaine. Leur dernier vol remonte à ce matin. Vous devez attendre qu'ils aient volé tout ce qu'ils souhaitent. Comme vous pouvez le constater, il s'agit d'objets dangereux et illégaux. Votre mission consiste donc à les détruire. Tous. En dehors de la ville bien évidemment. En somme, vous devez vous assurer qu'ils sortent avec toute leur marchandise pour tout détruire. Nous ne serons pas regardant sur les dommages collatéraux mais essayez de ne pas détruire toute la ville tout de même... Attendez bien qu'ils soient sorti avant de les attaquer!

La réputation de la guilde précédait Lucy apparemment. La jeune fille rit nerveusement et promis de faire de son mieux pour ne pas tout raser. Les deux interlocuteurs échangèrent des banalités pendant encore un bon quart d'heure avant que le maire ne congédie la jeune mage. Il lui offrit de lui payer une chambre où elle le souhaiterait durant toute sa mission. Reconnaissante, la jeune fille pensa immédiatement à l'auberge qu'elle avait découverte par hasard lors de sa dernière visite.

Le maire accepta et elle put quitter sa grande maison.

Il fallut une bonne dizaine de minutes à la jeune fille pour retrouver le petit chemin conduisant au jardin entouré de bambous. Puis la façade de l'auberge. Un sourire rayonnant illumina son visage. Elle entra dans l'auberge et se rendit au comptoir. La femme du tenancier la reconnut immédiatement et la salua chaleureusement, lui offrant un repas gracieusement. Lucy la remercia et resta discuter un peu avec elle, le temps que son repas chauffe. Puis elle gagna une table et mangea tranquillement, en compagnie de Plue. Son dîner achevé, elle remporta ses couverts au tenancier qui lui servit un thé. Manque de chance, lorsque la mage tourna les talons pour regagner sa place se prit les pieds dans son esprit stellaire et renversa sa tasse sur une inconnue, aux longues mèches blondes.

~ Je suis désolée! s'empressa de s'excuser Lucy.

Une blonde. Une vraie. Quelque chose à rajouter?

On dit que lorsque nos yeux se ferment face à la mort, dans les derniers instants de notre vie, nous la revoyons toute entière défiler devant nos yeux.

Loin d'être en train de mourir ou bien agonisante, notre chère Lénore était attablée dans une auberge chaleureuse qui lui avait ouvert ses portes (et avait fait ouvrir le porte monnaie de Lénore par la même occasion) alors que la demoiselle commençait progressivement à se transformer en Lénore de glace. En effet, elle avait du donner ses derniers vêtements chauds à un prêteur sur gage afin qu'elle puisse manger à sa faim, du moins pour cette nuit. C'est pourquoi, affublée d'une simple chemise d'homme qui lui faisait une robe, de collants rayés recouverts de ses bottes montantes en cuir marron ainsi que de la fidèle écharpe qui ne la quittait jamais, Lénore se réchauffait dans cette auberge face à ce qui était son seul repas depuis deux jours déjà.

Ce fameux repas, qui lui avait fait perdre ses quelques pièces restantes, était en fait un ragout à l'allure douteuse mais au fumet délicieux qui poussait Lénore à l'engloutir d'un coup. Malheureusement elle savait que si elle faisait celà elle aurait de nouveau faim dans quelques heures. Alors elle se forçait à le finir doucement, de sorte à passer sa langue et déguster chaque aliments qui arrivaient dans sa bouche comme si ceux-ci étaient les derniers qu'elle mangerait. Ce qui à n'en pas douter n'était pas le cas.

En effet, inutile de clamer sa fin (ou faim) trop tôt. L'épouvantail n'était pas dénuée de ressources et cela faisait huit ans déjà qu'elle survivait comme elle le pouvait, sans argent ni famille seulement riche de sa ténacité et de son courage. Oui, ce n'était certainement pas le dernier repas qu'elle mangerait ni la dernière fois qu'elle aurait à donner ses vêtements restants contre un peu d'argent mais il était certain que Lénore ne mourrait jamais de faim.
Jamais.

Un morceau de viande particulièrement tendre cédait sous ses dents blanches tendis qu'elle regardait son reflet dans la vitre de la fenêtre à sa gauche. Comme toujours lorsqu'elle s'autorisait à croiser son propre regard dans un miroir ou son reflet dans une vitre, elle ne se reconnut pas. Était-ce vraiment elle, cette fille aussi fine qu'une allumette aux yeux verts profonds et perçants ? Était-ce elle, cette inconnue aux cheveux pailles d'une longueur interminable et aux traits figés dans cette même expression neutre qui lui était coutumière ? Était-ce vraiment elle qui était là, seule et sans argent, qui mangeait un ragout tandis qu'une larme aussi claire que du cristal roulait sur sa joue ?

La mage essuya avec rage ce gage de sa faiblesse passagère tandis qu'elle se concentrait sur le contenue de son assiette, pestant intérieurement contre ce qu'elle qualifiait de "solitude déprimante". Mais cette solitude, n'était-ce pas elle qui l'avait voulue ? Les gens pouvaient être si cruels parfois, il était plus rassurant de rester seule, même si cette solitude la condamnait à la tristesse et à l'ennui.
Rester seule, toujours.
Un bruit de vaisselle brisée, un gémissement et une soudaine sensation désagréable d'humidité la tira de sa rêverie. Sursautant comme un somnambule que l'on réveille à grand renfort d'eau froide, Lénore se redressa d'un coup et contempla ce qui était venu éclabousser sa seule et unique chemise restante.

Ce n'était pas de l'eau froide mais du thé brulant qui l'avait aussi violemment sorti de ses pensées et c'est au moment ou L'épouvantail s'en rendait compte que la douleur due à la brulure du liquide sur sa peau décida de se manifester. Pourtant elle ne broncha pas, gardant vissé sur son visage mutin son habituel masque de neutralité.

~ Je suis désolée!
"C-ce n'est rien."

Une hésitation dans sa voix cristalline. Lénore ne savait pas vraiment si elle devait être en colère ou bien ne rien dire mais elle oublia l'une et l'autre option, se concentrant sur la brulure, fixant le mur droit devant elle tandis que sa peau ivoire virait au rouge sous sa chemise qui était désormais imprégnée du liquide. Elle respira, une fois, puis deux, forçant sa respiration à reprendre un rythme normal. Une fois ceci fait elle se tourna vers l'inconnue et planta son regard froid mais néanmoins perturbé dans ses yeux noisettes (ceux de Lulu pas de Lénore).

La jeune femme qui l'avait accidentellement aspergée du contenu de sa tasse était jeune et blonde. Ce n'était pas le même blond que Lénore, celui-ci était plus clair et plus lumineux alors que les mèches pailles de L'épouvantail avait quelques reflets bruns ou roux ci et là. Outre ses cheveux, l'inconnue blonde possédait un visage doux et amical qui frappa tout de suite Lénore lorsqu'elle vit l'air désolé qui y était affiché.
Depuis combien de temps ne l'avait-on pas regardé de la sorte ?

Il était habituel pour Lénore d'être ignorée de ses semblables, sauf de ceux qui étaient mal intentionnés. Même lorsqu'elle achetait quelque chose à quelqu'un, cette personne ne la regardait jamais dans les yeux et ne lui adressait pas un mot. Peut-être cela était-il du à l'aura de la demoiselle ou bien à son expression aussi froide que celle d'un robot. Il n'était pas important pour la mage de savoir si la demoiselle face à elle était vraiment désolée ou bien si sa phrase avait été lancée avec politesse plutôt que par compassion. Elle offrit donc un sourire à l'inconnue.

Sourire qui se mua en grimace lorsque la douleur de la grande brulure revint.

Lucy se sentait affreusement gênée. Elle avait renversé son thé brûlant sur une jeune fille. Si cette dernière avait eu un instant d'incompréhension qui l'avait maintenu immobile même après la brûlure, sa réaction risquait d'être bien violente ensuite. Un instant... Qui avait été très court et à la fois très long. Un instant balayé en un sursaut et un mouvement de recul.

La constellationniste remarqua rapidement qu'elle avait sans doute ébouillanté l'autre femme. Aïe... La jeune fille grimaça, ses yeux chocolatés plantés sur sa malheureuse victime qui tentait visiblement de garder son calme malgré la douleur.

Et merde.

Mal à l'aise, Lucy attendit la sentence patiemment. Sentence qui ne tomba pas. Jamais. Au lieu de cela, elle croisa un vide d'émeraude, pareil à un gouffre insondable. Pourquoi diable cette fille avait-elle un tel regard? C'en était presque effrayant. Il était si... triste. Et il était bien connu que Lucy détestait ce genre de regard. Elle le connaissait si bien qu'il lui était devenu insupportable.

La solitude, elle la connaissait fort bien, pour l'avoir côtoyé une grande partie de son enfance. Depuis la mort de sa mère jusqu'à son arrivée à Fairy Tail, elle avait toujours été seule. Désespérément seule. L'image de ses sanglots dans la bibliothèque familiale réapparut soudainement dans son esprit. Un frisson lui parcourut l'échine. Non, elle ne laisserait personne se faire happer par ce vide qui n'avait aucun sens et que l'on pouvait chérir comme le seul remède à tous les maux. Un leurre. Une illusion destructrice.

La jeune mage souleva doucement le vêtement de la blonde inconnue pour constater les dégâts. Là où le thé s'était répandu, sa peau était rougie, comme après un coup de soleil. C'était d'autant plus flagrant que sa peau était tout ce qu'il y a de plus pâle.

~ Je suis vraiment désolée! Viens, je vais te soigner ça.

Et sans même laisser le temps à l'inconnue de protester, Lucy lui saisit la main et l'entraîna hors de la salle. Elle la traîna dans les couloirs pour gagner la chambre que l'aubergiste lui avait assigné plus tôt. Après l'avoir poussé à l'intérieur, Lucy ferma soigneusement la porte et décrocha son trousseau de clefs de sa ceinture. Naturellement, la mage stellaire invoqua le bélier, Aries.

~ Je suis désolée! Désolée!

Comme à son habitude, l'esprit à corps de femme mais cornes enroulées sur le crâne avait une tête de chien battu. Lucy lui demanda de s'occuper de son invitée, tout en rassurant cette dernière quant aux capacités de la femme-bestiole.

Aries approcha donc de l'inconnue et la soigna avec sa magie rose bonbon, aussi douce qu'un rêve. Durant toute l'opération, elle ne cessa de s'excuser par peur de faire mal à la jeune demoiselle.

Pendant ce temps là, Lucy s'affaira sur le lit pour sortir de son sac de voyage des vêtements susceptibles d'aller à la blondinette aux yeux de forêt. La mage dénicha finalement un chemisier qu'elle jugea être la meilleure option. Elle le posa sur le lit à côté de l'affiche de sa mission et de la liste des objets qui devaient être détruis, en attendant qu'Aries finisse son oeuvre.

~ Je suis vraiment désolée! Viens, je vais te soigner ça.

Lénore sursauta lorsqu'elle entendit cette phrase, comme elle avait frissonné lorsque la blonde lui avait soulevée sa robe-chemise pour constater l'étendu des dégâts, puis comme elle avait frémis tandis que celle-ci lui avait attrapé la main. Lénore s'était laissée entrainée sans rien dire, abandonnant son assiette à moitié vide sur la table après avoir constaté que de toute manière, le ragout était rendu immangeable par les éclats de tasse et le thé qui étaient venus se mélanger à sa texture pâteuse mais pourtant si délicieuse.

Ainsi, Lénore se retrouva dans une des chambres de l'auberge face à une autre femme qui venait de faire son apparition depuis une des clefs de la blonde. Lénore avait reculé de deux pas en voyant ceci, pensant que la blonde qui était visiblement une mage avait orchestré tout ceci afin de l'affronter, elle, L'épouvantail. Non, ce n'était pas possible que cette blonde et l'esprit de sa clef soient au courant du fait que Lénore était mage. Elle n'était pas vraiment connue et préférait le demeurer; il n'y avait aucune raison vraisemblable pour que cette inconnue vienne l'attaquer. Alors, acceptant le fait que l'esprit n'était rien de plus qu'une apparition pacifique destinée à la soigner, elle se laissa faire entre les volutes sucrés de sa douce magie.

En respirant elle pouvait sentir des odeurs comme celle de la vanille, puis de la guimauve et enfin du caramel se dégager de l'auréole magique qui était venue autour de sa brulure. Toutes ces odeurs faisaient tourner la tête à Lénore mais elle tenue droite et froide, ignorant royalement les appels désespérés de son estomac. Elle préféra fixer la blonde qui cherchait visiblement quelque chose dans son sac tandis que son esprit soignait la demoiselle aux cheveux paille.

C'est alors qu'elle la vit ; l'affiche. C'était une mission de rang B et d'où elle était Lénore pouvait parfaitement constater qu'elle était formidablement bien payée. Ah... Si seulement L'épouvantail pouvait en faire une comme celle-ci, elle aurait ainsi de quoi se payer de nouveaux vêtements et de quoi manger tous les jours pendant plusieurs mois... Mais au jour d'aujourd'hui les seules missions qu'elle arrivait à se trouver était très mal payées. Les plus dures étant réservées aux membres de guilde c'était normal, tout à fait normal.

Cette blonde faisait donc partie d'une guilde ? La guilde Fairy Tail à en voir son marquage. La mage solitaire soupira en secouant la tête ce qui poussa l'esprit à s'excuser à nouveau avant de disparaitre.
Lénore n'en bougea pas pour autant.

Non, elle resta là, droite, préférant observer la jupe et le chemisier que la blonde avait déposé sur le lit juste à coté de l'affiche alléchante. Rougissant de honte et de colère face à sa propre pauvreté, Lénore baissa les yeux sur le sol et murmura quelques mots en laissant ses longs cheveux cacher son regard dégouté par sa situation.

"Je suis désolée... Je ne peux pas accepter. Je n'ai pas d'argent."

La tête ainsi baissée elle ne pouvait que constater la tache colorée laissée sur la chemise blanche qu'elle portait. Celle-ci lui collait à la peau et bien que la brulure ait disparu son souvenir fit grimacer Lénore tandis qu'elle attrapait ses longs cheveux pailles qui avait glissés de sorte à ne tomber que d'un coté, les écartant afin d'éviter qu'ils ne se collent au liquide. Puis Lénore se redressa, murmura un faible "désolée..." puis se dirigea vers la porte avec le même air neutre de nouveau plaqué sur son visage qui masquait toujours ses émotions aux regards des autres.

Ses émotions qui en l'instant présent menaçaient à tout moment de déborder de ses yeux d'où pointait une colère sans nom à l'encontre d'elle même.

La jeune mage replia ses jambes contre sa poitrine, pour poser son menton sur ses genoux. Elle couvait d'un regard chaleureux l'inconnue qui se laissait soigner par la douce Aries. Elle ne pouvait s'empêcher de repenser encore et encore à ce que dégageait la jeune fille. Elle semblait perdue et en même temps, elle semblait également habituée à se débrouiller. Mais elle dénotait dans le paysage. Seule et calme, sans rire, sans s'émouvoir. Une impression assez étrange et presque fascinante se dégageait d'elle.

Comme si elle cachait sous son apparence calme une fêlure bien plus profonde que ce que quiconque pouvait imaginer.

Lucy était bien placée pour savoir que la vie n'était pas toujours rose. Dépossédée de sa mère très jeune, vivant avec un père qu'elle n'avait jamais vraiment intéressé, elle avait vécu des moments difficiles, terriblement seule. Elle était certaine de garder toujours de mauvais souvenirs de son enfance, malgré ses efforts pour pardonner à son père et pour oublier le mal qu'il lui avait fait. Les bons souvenirs étaient rares, voire même inexistant. Mais il restait son père et sa seule famille. Alors elle devait essayer, de tout son être, de lui pardonner.

La constellationniste ne connaissait pas les blessures de l'inconnue aux cheveux couleur des blés. Et elle ne souhaitait pas spécialement les connaître, sachant pertinemment que ce n'était pas son rôle et qu'on ne lui avait rien demandé. En revanche, l'inconnue lui rappelait tellement l'image qu'elle se faisait d'elle-même si elle n'avait pas croisé la route de Fairy Tail qu'elle ne pouvait pas la laisser. Elle ne voulait pas. Cela aurait été comme s'abandonner elle-même. L'impression était assez étrange mais l'intuition de Lucy, pour ces choses là, était souvent fiable.

Pendant qu'elle sombrait dans ses pensées, les yeux semblant fixer le mur au travers de l'inconnue, Lucy devait avoir un air bien songeur, avec un petit sourire insondable, mélange de mélancolie et d'espoir, dans un amalgame troublant aigre-doux.

"Je suis désolée... Je ne peux pas accepter. Je n'ai pas d'argent."

La mage stellaire cligna des paupières. Elle fut ramenée à la réalité en moins d'un instant. Celui où la fille aux yeux verts prononça sa deuxième phrase. Aussitôt, Lucy se dressa sur ses jambes. L'inconnue était déjà sur le pas de la porte coulissante. La petite étoile lui attrapa le poignet de ses deux mains pour la retenir, resta figée un instant, surprise par sa propre réaction, puis lui offrit un sourire amical. Sans la lâcher. Sans lui laisser une seule chance de sortir.

~ Et moi je ne peux pas accepter que tu sortes comme ça, alors que c'est de ma faute si tu es tâchée, répliqua Lucy, sans se départir de son sourire.

Elle tira la jeune fille à nouveau à l'intérieur de la chambre pour lui mettre les vêtements entre les mains.

~ C'est la moindre des choses que je puisse faire pour m'excuser de t'avoir brûlé.

Après un clin d'oeil, la mage tourna le dos à sa camarade, pour l'inciter à se changer. Elle ignorait le degré de pudeur de la jeune fille mais se dit que d'une manière ou d'une autre, il était préférable de la laisser se changer sans qu'elle se sente épiée par son regard noisette inquisiteur.

Ne sachant pas trop quoi dire, en attendant que la fille ne finisse de se changer, Lucy enchaîna sur une conversation pour le moins... banale.

~ Au fait, je m'appelle Lucy. Et toi?

La jeune fille risqua un coup d'oeil derrière elle pour voir où en était l'autre demoiselle.

Dos à la blonde, Lénore maudissait sa poisse habituelle tandis qu'elle entreprenait de déboutonner le haut de sa chemise. Impossible de se carapater discrètement cette fois; à en juger par les regards fréquents que la blonde jetait en arrière soit celle-ci était voyeuse soit elle pensait que Lénore en profiterait pour se sauver. Et si la deuxième option s'avérait juste la blonde avait parfaitement raison. Cette situation était déjà assez embarrassante pour Lénore alors inutile d'y ajouter une dette qu'elle serait bien incapable de rembourser.

Par le porte-feuille de Satan! Cela aurait été tellement plus simple si la blonde l'avait laissée partir plutôt que de s'élancer à sa suite pour lui barrer l'accès de la sortie. Tellement plus simple si celle-ci n'avait pas renversé son thé sur elle. Tellement plus simple si Lénore avait pu finir son repas. Ouaip, tellement plus simple, mais la chance de Lénore était passée et il ne restait plus de cet instant que le souvenir amer de la main de la mage se refermant sur le poignet de L'épouvantail.
Loupé.


~ Au fait, je m'appelle Lucy. Et toi?

Cette phrase tira Lénore de ses pensées alors que sa chemise pendait sur son corps nu, entièrement déboutonnée depuis plusieurs minutes déjà. D'ailleurs, elle l'avait oubliée cette chemise et la dénommée "Lucy" devait bien se demander ce qu'elle faisait pour être aussi longue. Alors, tout en se demandant s'il était judicieux de lui donner son vrai prénom, Lénore se délesta de son haut qui n'était plus tout à fait blanc, pour attraper avec douceur le chemisier lavande sorti du sac de la mage de Fairy Tail quelques minutes plus tôt.

"Je m'appelle... Lénore."

Finalement elle avait opté pour la vérité, trop occupée à ouvrir les boutons du chemisier pour trouver un faux prénom. Enfin, ça c'était la version officielle mais la vérité était qu'elle n'avait pas vraiment envie de mentir à cette fille. Pourquoi ? Aucune idée. Mais peut être était-ce du à cette lueur de sincérité que Lénore avait vu briller dans ses iris quelques instants tantôt.
Peut-être, peut-être pas.

Franchement, elle aurait du penser à ouvrir ces fichus boutons avant de se défaire de sa chemise sale cela lui aurait évité une perte de temps inutile. Et c'était bien là une question de pudeur car désormais, Lénore n'avait plus que ses cheveux et son écharpe pour se couvrir elle se sentait diablement vulnérable ainsi. Elle s'empressa donc de revêtir le chemisier et lorsqu'elle en eut fini avec lui et ses boutons elle attrapa la jupe grise et la passa par dessus le collant rayé lila et blanc.

Lénore sourit en voyant que Lucy avait assorti la jupe et le chemisier à son collant. N'importe quelle autre personne s'en serrait royalement moqué et L'épouvantail la première mais cette discrète attention était touchante. Non pas que Lénore fut narcissique mais lorsqu'elle croisa son reflet dans un miroir accroché au mur de la pièce elle ne pu que constater que ses cheveux avaient décidés de semer la pagaille sur sa tête et qu'ils s'entrecroisaient, fourchaient et se dressaient exactement où ils n'auraient pas du. Alors Lénore tenta de remettre rapidement de l'ordre dans ce joyeux chantier puis elle se tourna vers la blonde ; définitivement présentable.

Plantant son regard vert aussi profond que la fosse des Mariannes et aussi transperçant qu'un poignard sur le dos de Lucy, elle déclara simplement:

"J'ai terminé, tu peux te tourner. Et... Merci."

Puis elle resta aussi droite, fine et amidonnée qu'un fil de fer inflexible face à son envie de quitter la pièce. Elle devait remercier la blonde, maintenant. Oui et autrement que par des mots, mais... comment ?
C'est alors que pour la deuxième fois de la soirée son attention se reporta sur l'affiche de la mission, puis sur le tatouage de Lucy ce qui la poussa à déclarer d'un ton poli :

"Alors comme ça... Tu fais parti de Fairy Tail ?"

Lénore avait visiblement décidé d'engager la conversation de manière plutôt... banale, à défaut d'argent elle offrirait des phrases et des mots et si la Magicienne n'en voulait pas elle s'en irait aussi simplement qu'elle était entrée.
Par la porte.

"Je m'appelle... Lénore."
~ C'est un beau prénom. C'est pas courant.

Lucy pensa tout haut. Un léger sourire se peignit de nouveau sur son visage. Plus serein. Tranquille. La jeune fille s'était calmée et cela se ressentait jusque dans ses paroles. Finie la panique d'avoir blessé quelqu'un. Achevée la frénésie qui l'empêchait de laisser partir Lénore. Eteinte la sensation de se trouver face à un reflet déformé, à l'image qu'elle aurait pu être.

L'étoile avait cessé de filer. Elle se raccrochait doucement à sa place.

Inspirant profondément, Lucy renferma la boîte de pandore de son coeur. Une jolie boîte mordorée, en bois brun qui pulsait sur un rythme tranquille. L'harmonieuse petite boîte contenait pourtant tout les maux de l'univers. Il ne fallait pas l'ouvrir entièrement. Jamais. Et l'entrouvrir était bien risqué. Le coeur de Lucy devait rester fermé. Du moins cette partie là. A tout jamais. Personne ne savait ce qui pouvait se cacher à l'intérieur. La constellationniste elle-même l'ignorait. Elle savait seulement qu'elle se sentait toujours affreusement mal quand cette petite boîte si délicate s'ouvrait et répandait sa sombre lumière en elle. Son coeur battait plus vite, plus fort dans sa poitrine. Douloureusement parfois.

Oh bien sûr, ce soir, on n'avait pas atteint ce point là. La boîte n'avait été ouverte qu'un instant et très faiblement. Cela avait suffi pour déplaire à la jeune fille et déclencher en elle une réaction incontrôlable. Proche de la névrose. C'était ainsi qu'elle l'avait vécu. Mais c'était fini, et bien fini.

"J'ai terminé, tu peux te tourner. Et... Merci."

Sitôt dit, sitôt fait. La blondinette se retourna et son sourire s'élargit légèrement en constatant que ses vêtements allaient à la perfection à Lénore. Elle était vraiment ravissante comme ça, mais Lucy se garda d'un tel commentaire, pour ne pas gêner davantage la jeune femme. Elle semblait assez mal à l'aise comme ça, à rester debout, aussi droite qu'un épouvantail au milieu d'un champ. A ceci près que ces grands yeux verts n'avaient rien d'effrayant, que ses doigts n'étaient pas crochus comme des épis de blés et que sa longue chevelure n'avait de la paille que la teinte.

Lucy balaya ses remerciements d'un geste de la main. "Ce n'est rien" semblait crier son corps alors que ses lèvres n'émirent pas un son. Au lieu de cela, elle se laissa tomber sur le lit et lâcha un profond soupir, faisant comme si Lénore était une connaissance de longue date et qu'elle savait qu'elle pouvait faire comme chez elle en sa présence.

Plue, toujours grelotant, quant à lui se planta devant le piquet humain, la regardant avec ce qui semblait être un regard inquisiteur. Puis il poussa son cri caractéristique qui faisait craquer nombre de personnes -Lucy comprise- dans la guilde. Il semblait attendre que Lénore daigne lui accorder une petite attention. Un sourire de la part de l'inconnue l'aurait ravi. Qu'elle le prenne dans ses bras l'aurait fait mourir de plaisir.

"Alors comme ça... Tu fais parti de Fairy Tail ?"

La petite étoile se redressa et s'assit en tailleur sur le lit, virant son sac plus loin. Puis elle leva les yeux vers Lénore, qui ne semblait pas avoir bougé d'un yota. Elle répondit pourtant tranquillement, le plus naturellement du monde, comme si elle était étrangère à la gêne que pouvait peut-être ressentir la jeune femme.

~ Oui, je suis mage à Fairy Tail. Tu as du le voir à mon tatouage, n'est-ce pas?

Sans se départir de son sourire, Lucy baissa les yeux sur sa main. le dragon rose de la guilde y trônait fièrement. Rien qu'en regardant ce symbole, la jeune fille put sentir la flamme de la guilde se rallumer en elle, faisant danser un éclat d'or dans ses yeux noisettes. Comme les flammes de son coeur s'y reflétant dans une ronde féérique.

Elle revint à Lénore.

~ Ne reste pas debout comme ça. Assied toi!

La mage avisa le deuxième lit placé juste à côté de celui où elle était assise. Une idée germa au coin de son esprit. Une idée en forme d'anis étoilé, qui sentait bon la gourmandise et la bonne humeur. Tout ce qu'elle aimait. Une idée commune, idiote, mais qui lui plaisait bien. Cette idée, elle éclot sous forme de paroles, en franchissant les lèvres de la mage stellaire.

~ Tu ne voudrais pas passer la nuit ici? Je n'avais pas vu mais cette chambre est vraiment trop grande pour moi seule. Ca me gênerait moins si je la partageais avec quelqu'un...

Et puis elle reprit un petit air gêné, se frottant le cou pour se donner une contenance après sa demande qui pouvait paraître étrange. Et pour éviter l'effet "blanc gêné" en cas de refus, elle enchaîna sur autre chose après quelques instants.

~ Et toi, tu es une mage aussi?

Suite à l'ordre de la blonde, Lénore s'était bel et bien assise sur le lit jumeau au sien. Le matelas était moelleux et la couette rayé de rouge et d'un jaune qui rappelait d'or la rendait nostalgique. En effet il s'agissait là de la même teinte qui colorait sa si précieuse écharpe, celle qui ne quittait jamais le cou de l’épi de blé, que se fut pour dormir ou bien pour manger. Enfin, jamais... C'était un bien grand mot car il lui arrivait tout de même de la retirer pour aller se laver par exemple ou encore pour la laver, elle, seul vestige de sa famille perdue et de son enfance saccagée. Elle était comme un précieux héritage d'une innocence qui avait volé en éclat et d'un amour maternel qui n'avait jamais vraiment été manifesté. Son seul vrai bagage, le fardeau de sa vie.

Lénore avait faillit oublier Lucy qui la regardait toujours en souriant pour partir de nouveau en voyage dans le sombre pays des souvenirs douloureux et des larmes argentées. Son écharpe aurait alors, comme toujours, été le tapis volant qui l'y aurait porté et Lénore se serait laissé faire tel Alladin poussé par un vent bienfaiteur. Mais il n'y avait aucun vent pacifique qui soufflait dans la direction de Lénore, et aucune promesse de trésor au bout du chemin. Elle n'était pas Alladin triomphant, elle était l'épouvantail seul au milieu du champ, repoussant corbeaux et humains pour l'éternité.

Un curieux son oscillant entre le bizarre et le mignon attira l'attention de Lénore vers le sol. En effet, au pied du lit, assit sur son petit postérieur rembourré se tenait une bien étrange créature. Lénore l'avait vu suivre Lucy et entrer dans la chambre à leur suite précédemment, elle ne fut donc pas surprise par sa présence dans ces lieux mais sa forme, elle, l'intriguait. Qu'était-ce donc que... Cette chose ? Une chose était sure, ce n'était ni un lapin, ni un chat ni même... quelque chose dans ce genre à en juger par l'absence d'oreille de la... chose en question. Et son nez c'était... Une carotte ?

"... Petit bonhomme de neige ?"

Voyant que le bonhomme de neige qui n'était de toute évidence pas fait de neige mais d'une substance se rapprochant plus du caoutchouc, levait ses yeux vers elle ainsi qu'une de ses pâtes comme un salut tout en poussant un autre des cris dont il avait le secret, Lénore retira vivement ses pieds du sol pour placer ses jambes à ses côtés, bien à l’abri sur le lit.
Tandis que ses joues prenaient une teinte rouge alors qu'elle essayait avec force de rester calme et de ne pas céder à la peur, Lucy en profita pour lui poser une question. Celle-ci ne devait de toute évidence pas avoir vu l'air de panique qui se peignait sur les traits d'une Lénore qui de toute évidence était terrorisée.

~ Tu ne voudrais pas passer la nuit ici? Je n'avais pas vu mais cette chambre est vraiment trop grande pour moi seule. Ça me gênerait moins si je la partageais avec quelqu'un...

Pour toute toute réponse Lénore poussa un petit cri et alors que la deuxième question de Lucy suivait la première et que le bonhomme de neige prenait de l'élan pour de toute évidence lui sauter dessus, Lénore braqua ses deux mains en avant et au moment ou Plue s'y heurta...

~ ..............-mage aussi?
"PUSH !"

Le pauvre Plue se retrouva projeté à une vitesse folle et une puissance inouïe à l'autre bout de la pièce et alla directement rencontrer le mur à l'autre bout de la salle. Il ne du son salut qu'à sa matière caoutchouteuse qui lui permis de rebondir sur le mur plutôt que de s'y encastrer. Le pauvre était en revanche totalement assommé par la puissance de l'onde de choc qui s'était échappé de la peau de Lénore lorsque celui-ci était entré en contact avec elle. La jeune femme aux cheveux pailles, justement, se tourna brusquement vers Lucy et gardant le même air paniqué, les joues rouges de confusion et une larme au bord des yeux déclara :

"Je suis désolée !! Je ne voulais pas..."

Terminé la Lénore calme, mature et sereine. Elle qui était aussi statufiée qu'une figure de glace quelques secondes auparavant était désormais plus que... Mignonne (?!) avec cet air terrorisé plaqué sur le visage. Elle qui n'avait jamais eu peur de quoique ce soit elle venait de rencontrer pour la première fois de sa vie sa bête noire et celle-ci avait pris la forme d'un animal tout ce qu'il y a de plus adorable. Est-ce que Lénore est saine d'esprit ? De toute évidence : non.

Braquant son regard dans les yeux de Lucy à la recherche d'une quelconque trace de colère elle s'empressa de répondre aux deux questions précédence à une vitesse folle, ce qui témoignait de toute évidence de l'était de panique dans lequel elle se trouvait.

"Je voulais bien dormir ici mais je ne voudrais mais gêner et puis encore une fois je n'ai pas d'argent, pas de travail, pas de logement alors je ne pourrais pas vous rembourser, je suis mage mais je n'ai pas de guilde et puis maintenant que je viens d'assommer ton bonhomme de neige c'est fichu... ! Désolée, désolée, désolée !! Oublie tout ça !"

(@___________________@)
Le rouge apeuré qui teintait précédemment les joues de Lénore prit une couleur beaucoup plus foncée alors qu'il commençait à s'étendre sur toute la surface de son visage. Un rouge violacé qu'on aurait nommé rouge de honte s'il avait fallu le qualifier. Alors, choisissant la fuite comme toujours dans ce genre de situation, Lénore tenta de se relever pour se précipiter vers la sortie mais malheureusement pour elle, elle se prit les pieds dans la couette du lit et s’étala de tout son long sur le plancher.

"Aïe... Par les genoux de Bouda; ça fait mal..."

Le regard perdu. Ses yeux noisettes fixaient un point que seule la constellationniste semblait voir. Elle fixait le mur en face d'elle, sans vraiment le voir, comme si les dorures de son regard étincelant pouvaient brûler la couche mince qui les cachaient au couloir. Son esprit semblait s'être échappé de la chambre pour vagabonder dans le ciel, qu'elle devinait étoilé, pour rejoindre ces petites lumières et en capturer une ou deux, pour les faire germer dans les yeux de la blonde demoiselle.

Des étoiles dans les yeux et des météores dans le cœur. C'était ce que son père lui avait lâché, dans un souffle avant de s'en aller, la tête basse, honteux et renonçant au contrôle de sa fille. Cette métaphore, Lucy ne la comprenait pas vraiment, inconsciente de l'étoile qui brillait en elle. Trop naïve pour ne serait-ce que sentir cette petite flamme qui dansait toujours au fond de ses grands yeux ambrés, pas vraiment brillante mais pas vraiment éteinte. C'était de là que venait les multiples étincelles qui illuminaient le regard de la jeune fille, discrètement, comme par peur de la déranger dans sa stable tranquillité.

Elle n'était pas prête à l'accepter.
Encore trop fragile.
Une petite étoile.
Petite.

L'adolescente fut sortie de sa contemplation par un bruit, semblable à un cri qui lui parvint très étouffé. Elle ne réalisa ce qui venait de se passer que lorsqu'elle vit Plue voler à l'autre bout de la pièce, s'écraser contre le mur pour y rebondir et finir attrapé au vol dans ses bras.

Après l'avoir récupéré, Lucy s'était laissée tomber sur le lit. Sans bien comprendre ce qui s'était passé. Il lui fallut un instant pour réaliser que ce baptême de l'air improvisé avait été déclenché par Lénore. Le comment avait sa réponse. En revanche, le pourquoi restait un point obscur dans l'esprit de Lucy.

"Je suis désolée !! Je ne voulais pas..."

La mage stellaire se redressa. La petite boule tremblotant entre ses bras disparut soudainement, sans doute mis complètement K.O par Lénore. Lucy réprima une grimace et adressa des excuses silencieuses au petit animal. Se tournant vers sa compagne du moment, la demoiselle ne put que constater son air affolé. Surprise tout d'abord par cette expression, Lucy esquissa un sourire gêné. C'était donc ça... Plue lui avait fait peur. Bien que cela semblait pour le moins étrange aux yeux de la constellationniste, cela expliquait le soudain départ vers le mur du petit être.

Elle voulut ouvrir la bouche pour rassurer Lénore au sujet de l'esprit du chien mais cette dernière ne lui laissa pas le temps de dire un mot. Elle déblatéra tout un tas de paroles que Lucy peina à agencer en phrases compréhensibles. Un puzzle s'agença rapidement dans la caboche de l'adolescente qui remit en place toutes les informations alors que l'autre se levait déjà précipitamment.

Elle avait parlé de chambre, de mage sans guilde, de ne pas pouvoir payer et s'était excusé à plusieurs reprises. Elle ne pouvait pas la rembourser. Elle n'avait nul part d'autre où aller. Et finalement, elle lui avait dit d'oublier. Oublier? A ça, ça aurait sans doute plus facile. Tout comme il aurait été plus facile de venir accomplir cette quête avec ses amis. Mais la facilité n'était pas vraiment la meilleure amie de la jeune fille. Il fallait toujours qu'elle se retrouve les deux pieds plantés dans les ennuis. Et bien sûr, incapable de s'en sortir seule, sinon, il n'y avait plus rien d'amusant dans l'affaire. Mais elle avait décidé que cela allait changer. C'était en partie pour se prouver qu'elle était capable de se débrouiller seule qu'elle avait accepté ce job. Bien plus que pour payer sa propriétaire.

La solitude ne semblait pas être sa grande amie non plus.
Même maintenant, elle n'était pas seule.
Une inconnue dans sa chambre.

Un épouvantail étalé sur le parquet.

D'un bond, Lucy se retrouva à ses côtés et l'aida à se relever, en lui adressant un sourire amical et rassurant. Ca, c'était dans ses moyens. Elle tira à nouveau Lénore sur le lit et s'assit face à elle, son menton posé sur ses genoux et ses grands yeux chaleureux posés sur la jeune fille.

~ Je peux rappeler Aries si tu veux, commença-t-elle avec une petite moquerie innocente dans la voix.

Les reproches étaient bien loin de son esprit. Et qu'aurait-elle pu reprocher au juste? D'avoir eu peur et de s'être fait mal? Non, c'était stupide. Et il y avait une limite à la bêtise, même pour elle. Son sourire s'estompa légèrement, sans que son regard ne lâche le visage ennuyé de Lénore. Il y avait bien une solution. Une solution qui se mettait doucement en place dans l'esprit de la blondinette et qui lui semblait de plus en plus une évidence. Une idée qu'elle avait senti à l'instant où l'autre fille était entrée dans sa chambre. Et qui ne prenait forme que maintenant, comme une bulle de savon qui éclate une fois qu'on a mis le doigt dessus.

~ Reste dormir ici cette nuit. Demain, je dois partir pour remplir un contrat, si tu tiens vraiment à me rembourser, tu n'as qu'à venir avec moi.

Puis elle se leva et tourna le dos à Lénore pour se mettre en pyjama. Elle retira l'élastique qui lui tenait les cheveux et les coiffa rapidement avant d'aller se couler entre les couvertures en baillant peu discrètement. Elle se tourna une dernière fois vers Lénore.

~ Je t'expliquerais les détails demain si tu acceptes. Tu peux jeter un oeil sur l'affiche en attendant. Moi je suis fatiguée.

Attrapant le bout de papier qui traînait au bout de son lit, Lucy le posa à côté de Lénore et lui souhaita bonne nuit avec son éternel sourire aux lèvres avant de disparaître dans les plis de sa couverture.

Lénore fut tout d’abord étonnée de la réaction de la jeune femme qui plutôt de l'enguirlander était venue l'aider à se relever. Etrange, vraiment étrange. Lénore chassa ses pensées qui n'avait pas plus de sens que d'importance pour se concentrer sur l'affiche posée sur le lit. Lucy dormait à présent et en attrapant du bout des doigts la feuille pour l'inspecter, Lénore se surprit à détester l'idée que la blonde pourrait lui en vouloir. Cette fille était si... Si gentille. Il était pourtant tellement rare de rencontrer des gens qui donnent sans rien attendre en retour et en acceptant de partager la quête de Lucy, Lénore avait plus l'impression de lui voler la moitié de la récompense plutôt que la rembourser. Mais elle avait besoin d'argent et à l'heure actuelle c'était tout ce qui comptait.

L'affiche proposait une mission qui consistait à détruire une liste d'objets dit dangereux et Lénore eut la certitude que c'était bien le cas en regardant à nouveau le prix de la récompense. Danger ou pas, elle irait avec la blonde, avoir de l'argent en sa possession était devenue une question de survie et faire la fine bouche était impossible et impensable pour Lénore. La nuit était tombée depuis quelques minutes déjà et lorsque la respiration de Lucy se fit plus régulière, l'épouvantail sut que celle-ci s'était endormie. Alors, sentant le contre coup du sort qu'elle avait utilisé sur Plue venir titiller ses batteries, Lénore se mit à bailler. Ah lala, il était temps qu'elle prenne un peu de repos et juste le fait de savoir elle pourrait dormir dans un lit douillet la rendait ivre de joie. Retirant ses bottes et se glissant sous la couette, elle eut tout de même une pensée pour la mage endormie à côté d'elle et murmura un faible "merci" tandis que le sommeil l'attirait dans ses bras bienfaiteurs.

La nuit passa sans encombre jusqu'à ce que finalement les rayons chaleureux du soleil tendent leurs mains bienfaitrices vers le visage de Lénore et le caresse doucement. Après une grimace et un froncement de sourcil, Lénore ouvrit les yeux et sourit lorsqu'elle constata que pour une fois elle ne se trouvait pas assise sur du pavet froid, dans une ruelle sombre, mais plutôt sur un nuage au paradis. Était-elle morte de froid dans une énième ruelle ou bien avait-elle été sauvée par un ange bienfaiteur ? La deuxième option lui apparu comme la bonne lorsqu'elle balaya la pièce du regard et qu'elle remarqua qu'elle ne se trouvait non pas au paradis mais dans une chambre d’hôtel et que Lucy dormait toujours. Dommage, Lénore aurait sans doute aimer se faire câliner par un ange au paradis mais la réalité était trop importante pour qu'elle s'en détache comme cela.

La demoiselle blonde que Lénore appelait volontiers "ange" dormait toujours et l'épouvantail se demanda un instant ce qu'elle devait faire. Puis, elle aperçu la porte de la salle de bain entrebâillée sur des promesses de bonnes odeurs et d'eau chaude, alors Lénore se mit debout et tacha de la rejoindre en demeurant la plus silencieuse possible. Elle y parvint bien entendu et lorsqu'elle referma tout doucement la porte un léger sourire planait sur son visage toujours un peu ensommeillé. La demoiselle se dévêtit rapidement et entra dans la cabine de douche avant d'ouvrir le robinet d'eau chaude.

Quelque minutes plus tard, lorsqu'elle sortit de la salle de bain, une serviette sur la tête dans l'espoir de sécher ses longs cheveux plus vite, Lucy dormait toujours. Alors, Lénore qui ne savait plus ce qu'elle devait faire et qui était parfaitement au courant que sa manie de se lever aux aurores n'était pas coutumière à tout le monde, décida d'attendre assise contre le mur, sous la fenêtre que Lucy se réveille. Elle replia ses genoux et attendit, calmement, patiemment.

Lucy s'endormit très rapidement. Son sommeil fut calme, rythmé par des rêves fleurs bleues. Elle souriait, pelotonnée dans ses couvertures, les cheveux étalés sur l'oreiller. En chien de fusil. De telle sorte qu'on aurait pu placer un chaton entre ses bras et ses jambes, qu'elle aurait protéger de son corps toute la nuit. Il n'y avait rien pourtant mais elle conservait cette attitude protectrice sur un îlot vide. Quelle présence invisible sentait-elle là? Au milieu de la nuit, ce fut sa main qui libéra l'information. On entendit un léger tintement, un objet qui tombe, pour glisser jusque dans l'enclos sûr.

Lorsque le soleil pénétra dans la chambre, le charme se brisa, le sommeil se fit plus léger. L'endormie semblait percevoir des bruits par delà ses songes, étouffés et confus. Mais bien présents. Elle se tourna, se retourna, finit sur le ventre, l'oreiller loin de sa tête.
Il y avait maintenant un bruit d'eau. Elle bougea encore, le soleil chauffait trop, sous les couvertures. Elle sortit une jambe, serra la couverture entre ses bras. Puis elle recommença à se tourner, se contorsionnant entre ses draps.

Lorsque Lénore revint de la salle de bain, elle trouva une Lucy endormie dans une posture grotesque, le lit sans dessus dessous. Et cela ne semblait aucunement déranger la dormeuse qui souriait béatement. Son rêve devait être agréable.
Et puis, après un certain temps, comme par enchantement, la jeune fille s'immobilisa complètement, son souffle retrouva sa régularité et son visage une expression moins stupide.

Elle ouvrit les yeux. Cligna des paupières et bailla, démêla son corps des couvertures, se redressa et parcourut la chambre d'un regard endormi. En apercevant Lénore près de la fenêtre, elle lui adressa un sourire et un faible salut. Une grimace détourna bien vite le regard de Lucy. Elle tâta le lit et tira son trousseau de clefs de sous elle, le regarda et soupira. Elle se leva pour aller poser les clefs avec ses affaires et disparut à son tour dans la salle de bain.

L'eau chaude sur son corps la réveilla et détendit ses muscles courbaturés par son sport nocturne. Elle ne traîna pas aussi longtemps que d'habitude sous l'eau, se lavant rapidement pour s'habiller et se coiffer sans faire trop attendre la mage solitaire. Enfin plus pour longtemps. Mais c'est une autre histoire.
La jeune fille avait opté aujourd'hui pour un short bleu nuit et un tee-shirt blanc, tout simple. Elle enfila une paire de grosses chaussettes et entreprit de démêler ses cheveux, pour en faire des couettes sur sa nuque.

Elle sortit de la salle d'eau toute souriante.

~ Bien dormi?

Activement, la petite étoile rangea ses affaires pour les mettre dans sa besace. Puis elle alla enfiler ses rangers, attacha son trousseau à sa ceinture, vérifia qu'elle n'avait rien oublié et se tourna à nouveau vers Lénore.

~ Je meurs de faim! Tu viens, on va prendre le p'tit dèj', ça nous laissera le temps de parler de ça, dit-elle en agitant l'affiche.

Sans attendre davantage, la jeune fille prit les devant et gagna la pièce principale, où l'ambiance était plus calfeutrée que la veille au soir. Les regards étaient encore endormis et tous les nez étaient plongés sur une tasse de boisson chaude. Lucy salua les aubergistes, échangea quelques paroles avec eux et leur commanda deux petits déjeuners avant d'aller s'installer à une table, près d'une fenêtre pour profiter de la douceur du soleil.

Une fois toutes deux assises, Lucy entra dans le vif du sujet.

~ Tu as eu le temps de voir un peu de quoi il retourne?

Les demoiselles furent servies rapidement et copieusement. On leur apporta une théière pleine et fumante, des tartines, du beurre, différentes sortes de confitures, du chocolat, des fruits, et des gâteaux typiques de la région. La table était presque emplie. Et l'estomac de Lucy gronda furieusement devant toute cette nourriture. La mage se jeta sur les tartines et la confiture. Puis, elle reprit, pendant qu'elle tartinait un autre bout de pain.

~ On doit détruire toute la marchandise hors de la ville, une fois qu'ils auront tout. D'après le maire, ils devraient partir dans les jours qui viennent. Il n'y a qu'une route pour sortir de la ville. On va se placer là et on les attendra. Il faudra les suivre un peu avant de les prendre en embuscade. A deux, ça devrait plus simple que ce que j'avais imaginé.

La petite étincelle qui dansait de le regard de Lucy confirmait sa satisfaction. Son plan devait être infaillible. Il l'était. Elle en était persuadée. C'était une des premières fois où elle avait l'occasion de tester ses compétences stratégiques, puisqu'étant seule sur un vrai travail. D'habitude, elle se rangeait à l'avis d'Erza, ou de Natsu. Leader de leur équipe, ils savaient ce qu'ils faisaient et il fallait leur faire confiance. Lucy restait alors plus effacée. Cela ne la dérangeait pas, mais elle était contente que pour une fois, ce soit elle qui mène la danse.

Elle termina son petit déjeuner après avoir englouti une bonne partie de ce qu'on leur avait apporté, discutant de choses et d'autres avec sa nouvelle camarade. Lucy se révéla être une vraie pipelette, curieuse et pleine d'entrain.

Puis vint l'heure de partir...

Une fois Lucy réveillée, Lénore la suivit sans protestation vers un petit déjeuner, qui elle le devinait, lui serait généreusement offert. Pourtant, malgré la perspective d'avoir enfin un vrai repas nourrissant Lénore n'était pas vraiment enchanté d'être un tel fardeau pour la blonde qui, si ça continuait trop longtemps, risquait de voir son porte-monnaie se vider à une allure beaucoup trop rapide. Bien sûr elle avait faim, bien sûr elle était heureuse que Lucy se montre si gentille avec elle, mais pouvait-elle décemment être satisfaite de se voir offrir tout, impuissante face au pouvoir de l'argent ?
Certainement pas.

Pourtant Lénore suivit la jeune femme sans protester, sachant pertinemment que ce serait inutile. De plus, sa maigreur et les plaintes désespérées lancées par son estomac à tout bout de champ ne passaient pas vraiment inaperçues malgré toutes les vaines tentatives de Lénore pour les dissimuler, ou du moins, les étouffer. Entrant dans la salle à manger, Lénore eut l'impression tenace que le sol tanguait sous ses pas et elle savait que ceci était dû à toutes ces merveilleuses odeurs de nourritures qui étaient venues s'immiscer dans l'air qu'elle respirait pour délivrer à son cerveau un douloureux message. "J'ai faim, j'ai si faim..." était répété dans sa tête, terrible écho qui ne voulait pas se faire oublier et qui redoublait d'intensité à chacun des pas de L'épouvantail.

Pourtant, malgré le sol qui semblait bouger et cette voix qu'elle avait une divine envie d'envoyer sur les roses, Lénore se tenait droite et son masque neutre aux discrètes couleurs de gêne ne laissait rien paraître du vertige qui s'était emparé d'elle. Heureusement, l'attente ne fut pas très longue et lorsque Lénore se retrouva en face de son assiette, remplie à ras bord de bonnes choses, il lui semblait que son cœur s'essorait de larmes de bonheur. Cela se voyait dans ses yeux émeraudes dans lesquels on pouvait lire aisément les mots "joie, plaisir, gourmandise, gêne, reconnaissance..." autant d'émotions qui se bousculaient et s'entrelaçait pour scintiller comme une pluie d'étincelles sur un ciel couleur plaine. Lénore savourait son repas en entretenant à sa manière la conversation : de manière discrète mais avec des paroles pleines de justesse sur lesquelles Lucy rebondissait aisément.

Le festin terminé, Lénore sentit son estomac plein pour la première fois depuis plusieurs années. Elle était repue, heureuse et soulagée et son masque s'était même fissuré d'une ombre de sourire. Une ombre oui, une esquisse à peine visible mais tellement réelle. Un sourire tracé à coups de gentillesse par Lucy et dont l'encre couleur ciel avait également inscrit une dette dans sa mémoire. Elle n'oublierait pas.

Et puis vint l'heure du départ. Lénore se sentit un peu gênée par la disparition de sa sacoche de cuir qu'elle avait laissé par inadvertance dans la salle, le soir précédent. Le propriétaire lui dit ne pas l'avoir retrouvé quand Lénore lui demanda s'il l'avait aperçu et c'est avec une mise résignée qu'elle retourna auprès de Lucy. Dans cette sacoche il n'y avait pas grand chose à vrai dire car la plupart des effets personnels de Lénore avaient été happé par son besoin d'argent. Pourtant, elle renfermait tout de même un trésor, une photo de la famille de Lénore au grand complet. Sur cette photo ses frères et sa mère étaient tous bien vivants et le sourire qu'ils arboraient était des plus lumineux. Pourtant d'un un coin de l'image, un peu à l'écart se tenait une demoiselle maigre aux cheveux paille dont les yeux verts reflétaient une lueur inquiète, tandis qu'ils fixaient ses pieds nus.
Mais de ce souvenir, la dernière trace avait disparu.

«Tu as tes affaires ? On peut y aller ?» Demanda l'épouvantail d'une voix cristalline aux accents troublés.

La réponse à cette question était évidente et Lénore n'eut qu'à poser son regard qui avait perdu son éclat précédent sur la besace de la blonde pour s'en apercevoir, alors elle se tourna vers la sortie et marcha jusqu'à l'extérieur. Il n'y avait qu'un seul chemin pour sortir de la ville avait dit Lucy, mais Lénore avait toujours eu un sens de l'orientation déplorable et elle regretta soudain de s'être placée devant la blonde. Alors pour réparer son erreur elle se tourna de nouveau vers elle et lacha :

«Je n'ai pas un... très bon sens de l'orientation. Je te suis.»

«Tu as tes affaires ? On peut y aller ?»

Lucy se leva et prit son sac, hochant du chef en souriant à la jeune femme. Elle alla régler les derniers détails avec les aubergistes au comptoir, laissant l'épi de blé seul quelques minutes. Elle s'assura que tout était payé, que le papier du maire suffisait et que tout était en ordre. L'épouse du tenancier la retint alors qu'elle tournait les talons pour partir. Elle voulait lui donner un panier de nourriture pour le midi. Lucy refusa poliment cette offre, gênée par tant de prévenance. Mais l'aubergiste avait balayé ses protestations d'un geste de la main et avait fui dans la cuisine pour préparer le panier.

Son mari rit devant la mine déconfite de la jeune fille et bavarda avec elle pour la faire patienter et l'empêcher de se faire la malle sans avoir pris la nourriture. Il lui demanda des nouvelles de Fairy Tail puis de Kazuma. Lucy répondit de bonne grâce que la guilde se portait bien mais que des choses étranges se tramaient à Magnolia mais qu'elle n'avait pas de nouvelles du mage de Blue Pegasus depuis leur dernière visite.
L'aubergiste revint peu après et tendit un sac à Lucy qui se perdit en remerciements avant de les saluer et de tourner les talons pour rejoindre Lénore.

~ On a même de quoi manger pour ce midi! On peut y aller, maintenant, lança-t-elle avec enthousiasme.

L'adolescente suivit sa comparse hors de l'établissement et le long de quelques rues, déjà bien fréquentées par les touristes et les habitants. Rapidement pourtant, Lénore sembla perdue et laissa les commandes à la petite étoile. Cette dernière lui adressa un sourire amusé et continua à parcourir les rues de plus en plus bondées au fur et à mesure où elles avançaient vers le centre ville, qui comptait les célèbres thermes du village.

~ C'est vraiment l'effervescence ici, je ne pensais qu'il y aurait autant de monde.

Lucy resta interdite un moment, fascinée et impressionnée par toute l'activité qui se déroulait sous ses yeux. Il y avait tant de monde, tant de bruits. Elle se sentait toute petite et sa détermination vacilla légèrement. Et si c'était une erreur d'être venue seule? Et si sa stratégie était mauvaise? Et si elle échouait? Lucy déglutit difficilement et recula d'un pas par réflexe. Sa main frôla celle de Lénore et elle se tourna vers elle. Son regard émeraude posé sur elle, où flottait l'incompréhension et peut-être la surprise lui rappela qu'elle n'était pas seule. Tout se passerait bien, il ne fallait pas douter.

Et se reprenant, la jeune fille se fraya un chemin à travers la cohue, pour traverser la ville tranquillement. Elle ne pensait pas à regarder avec attention ce qui se passait autour d'elle, pas assez en tout cas.

On les observait. On avait repéré son tatouage rose pâle sur le dos de sa main. Et même si on ne savait pas exactement ce qu'elle voulait, on la surveillait de loin. Il fallait toujours surveiller les mages des guildes. Même si celle-ci n'avait pas l'air bien dangereuse avec son panier de pique nique dans la main à discuter niaisement avec une autre blondinette. Elles étaient vraiment à croquer. On ne regrettait pas de les avoir remarquées.

Après un petit moment, les deux jeunes parvinrent au bout du village et en franchirent les portes, continuant la marche jusqu'à mettre de bons mètres entre elles et les derniers bâtiments. Lucy coupa à travers champs pour s'installer comme une simple touriste sur l'herbe grasse qui jalonnait la région. Les reliefs faisaient en sortes qu'elles ne puissent être visibles de la route mais elles pouvaient distinguer et surtout entendre les bruits provenant de la route sans grande difficulté.

Un endroit parfait qui n'attira pas l'attention de l'observateur. Pensant que les jeunes filles allaient simplement profiter du soleil pour passer la journée à ne rien faire se détourna et retourna à ses préparatifs...

Un endroit parfait oui.
Parfait pour mourir d'ennuis.

De longues heures s'écoulèrent sans que personne ne trouble le silence des plaines. De longues heures à ne rien faire d'autre qu'attendre patiemment. Et pour s'occuper aussi longtemps, le shifumi, les jeux de cartes et autres badineries que Lucy connaissaient ne suffirent pas à faire s'égrainer le temps plus rapidement. Les deux jeune filles finirent par s'écrouler dans l'herbe, l'une regardant les nuages en jouant avec l'herbe du bout des doigts, la seconde les yeux fermés, prête à s'endormir.

Une heure.
Deux heures.
Trois heures.
…
Cinq heures.

Lénore était assoupie, un bras sur ses yeux. Lucy pouvait entendre son souffle régulier à travers la brise légère qui faisait danser ses cheveux. La petite étoile se redressa dans faire de bruit et s'étira de tout son long. Elle commençait à avoir sérieusement faim et décida d'ouvrir le panier que l'aubergiste lui avait remis. L'odeur était alléchante. Lucy soupira d'aise et sortit un sandwitch pour se remplir le ventre.

Elle n'avait pas croqué dans la troisième bouchée que le bruit de chariots attira son attention. Se recouchant dans l'herbe, la jeune fille se rapprocha discrètement pour observer ce qui se passait sur le chemin. Une sorte de caravane. Pourtant le maire lui avait bien précisé qu'aucun marchand ne sortirait de la ville tant que la mission n'était pas achevée.

Le cœur de Lucy accéléra sa course dans sa poitrine.

Sans bouger, la jeune fille invoqua Sagitarius qui se coucha à côté d'elle. En même temps, la constellationniste sortit de sa poche la liste des objets volés.

~ Tu peux me dire si tu vois quelque chose de la liste dans les chariots, s'il te plaît ?
- Avec plaisir m-m-moshi-moshi.

Avec sa vue d'aigle, l'esprit archer n'eut aucun mal à détailler les chariots. Seul bémol, ils n'étaient composés que de caisses en bois et voir à travers la matière ne faisait pas parti de ses facultés. Avec un air désolé, il fit part de ce constat à la jeune fille.

Lucy grimaça.
Comment faire ?

Si elle attendait trop, ils seraient hors de portée et leur embuscade aurait échoué.

- Je vais faire sauter un couvercle.

Lénore était arrivée à côté de Lucy sans que cette dernière ne s'en aperçoive. La petite étoile sourit et voulut dire quelque chose mais le temps manqua. Plus qu'un couvercle, Lénore venait de faire sauter un chariot entier, mettant en déroute la bande pendant quelques instants.

- Ce sont eux m-m-moshi-moshi !

Le sang de Lucy ne fit qu'un tour. C'était bien eux. Alors que Lénore se levait déjà pour sonner les mages noirs du bout des colonnes qui cherchaient à faire repartir dans un sens comme dans l'autre la caravane, Lucy ne bougea pas. Dépassée par la situation, elle resta aussi surprise que les mages noirs. Jusqu'à ce qu'elle entende Lénore souffler de fatigue.

Secouant la tête pour sortir de sa torpeur, elle se releva à son tour et fit signe à Sagitarius d'aller aider Lénore. Quant à Lucy, elle invoqua de son côté Scorpio.

~ Il faut tout détruire !
- Tu peux compter sur moi, gamine !

Le bois commença à voler sérieusement en contre-bas. Lénore et Sagitarius allièrent leur pouvoir pour rendre les flèches de l'esprit explosives. Avec son tir multiple, chaque fois que la corde de l'arc était lâchée, un chariot volait en éclat, créant poussière et cacophonie de tous les diables.
De son côté, Scorpio canardait le reste des chariots en alternant des tirs puissants qui faisaient exploser les caisses et de rafales de balles plus petites pour obliger les mages noirs à se mettre à couvert et empêcher le gros des attaques de leur parvenir.

Lucy, elle, se sentait bien inutile dans ce combat qui se jouait surtout à distance. Son fouet en main, elle savait qu'elle ne pouvait pas vraiment aider, alors elle se contentait d'observer, non sans nervosité ce qui se déroulait sous ses yeux.
Tout se déroulait très vite. Les mages noirs n'avaient pas encore eu le temps de répliquer. Seulement Lénore commençait vraiment à peiner et la puissance des tirs de Sagitarius diminuaient également.

La réplique débuta alors. A travers la poussière de bois et les débris, Lucy distingua un bouclier magique qui repoussait les tirs de Scorpio sur une petite surface. Et derrière, un second mage préparait l'offensive. Pas le temps d'analyser plus la situation que de nombreux débris de bois fusèrent vers Scorpio.
Lâchant un « non » déchirant, Lucy sentit son corps bouger, presque sans le contrôler. Elle vit son fouet s'abattre dans un claquement sinistre sur les planchettes de bois et en arrêter une bonne partie à quelques mètres à peine de son esprit. Ce dernier pulvérisa le reste avec une rafale de balles.

Pour le reste de la mission, bon nombre des mages noirs décidèrent de prendre la fuite. Leur marchandise était en grande partie détruite et le boucan rameuterait sans doute bientôt des miliciens. Ils ne voulaient pas se faire arrêter en plus d'avoir perdu des reliques magiques.

Le peu qui resta donna du fil à retordre aux deux demoiselles mais ne leur causèrent pas de dégâts importants autre que l'épuisement. Lucy ne put rapidement plus tenir deux esprits invoqués à la fois et Sagitarius disparut après un dernier « moshi moshi » caractéristique.

Scorpio acheva de mettre en fuite les derniers résistants et s'esquiva lui aussi, laissant les deux jeunes filles à bout de force. Après s'être assurée qu'il ne restait plus aucun mage noir dans les parages, la pression retomba comme une chape de plomb sur leurs épaules et l'une après l'autre, elles s'écroulèrent dans l'herbe.
Lénore resta à genou, tête baissée à essayer de reprendre son souffle alors que Lucy avait basculé sur le dos et faisait l'étoile en fixant le ciel à nouveau. Elle avait une irrépressible envie de dormir.

Elle ferma les yeux et sombra dans le sommeil.

Une demi-heure plus tard, elle rouvrit les yeux, un peu secouée par une Lénore au visage inquiet. La petite étoile cligna des paupières et se redressa, prenant le sandwitch que lui tendait la solitaire.

Manger leur fit le plus grand bien. Une fois repue, les demoiselles descendirent de leur colline pour achever le travail. Avec l'aide de Virgo, elles passèrent au peigne fin les décombres et détruisirent grâce aux puissantes chaînes de l'esprit, les derniers objets intacts, pour que personne ne puisse plus jamais rien en faire.

Les derniers sauf un.
Sous la carcasse d'une caisse en bois, une petite chose brillante attira l'attention de Lucy. Une petite chose qu'elle aurait reconnue entre milles : une clef, argentée et juste à côté se trouvait une autre, avec beaucoup plus de valeur: une clef d'or. N'étant pas seule, elle les glissa rapidement dans sa poche : hors de question de détruire cela.

Hormis cette trouvaille plus qu'improbable, les demoiselles ne laissèrent rien traîner... Les mages pouvaient revenir qu'ils ne trouveraient rien à sauver.

Sans plus tarder, les deux mages se retirèrent : direction l'auberge pour se reposer avant d'aller chercher la récompense qu'elles partageraient.