Réveil brutal [pv Yamato]

Sortie indemne et sans attirer l'attention des locaux qui avaient abrité pendant de longues années le conseil magique, Novembre traversa la ville d'Era sans s'arrêter. Elle n'était réveillée que depuis quelques heures et se sentait encore toute engourdie de tant d'années de sommeil forcé. Le paysage n'avait pas beaucoup changé depuis son emprisonnement, exception faite des bâtiments détruis par les nouveaux habitants. De ce qu'elle avait compris pendant sa captivité, il s'agissait d'une guilde noire au doux nom d'Ultima Nova. Mais le plus étonnant dans tout ce remue ménage, c'était qu'on ne la reconnaissait pas.

Elle passa dans la ville sans attirer aucune réaction de peur ou de méfiance. Lorsqu'on la regardait, ce n'était que pour son étrange accoutrement et tout le faste qu'il représentait. Outre sa tenue plus que légère, composée de quelques voiles prune et bleu nuit fixés sur ses épaules et ses hanches par des épingles d'argent serties de saphirs et d'émeraudes, outre ses nombreux bijoux ethniques en métal précieux aux chevilles et aux bras, outre tout cela, Novembre attirait l'attention avec le masque finement sculpté qui entourait ses yeux. Tout d'argent gravé et coloré de nombreuses pierres précieuses.

Les temps avaient bien changé.

Tout le monde semblait l'avoir oubliée, elle, la femme qui avait fait grincer des dents le conseil magique et trembler de peur tout le royaume. Un petit sourire amusé s'inscrivit sur ses lèvres. L'ignorance allait leur coûter cher. Quand elle aurait reformé son armée, plus personne n'oserait de nouveau la regarder. Elle soupira finalement, en atteignant la sortie de la ville.

Elle marcha, les pieds nus, à travers le paysage, se dirigeant au hasard dans ce monde qu'elle devait réapprendre. Tout était encore très confus dans son esprit, mine de rien. Elle ne savait pas vraiment par où commencer, comment s'y prendre pour retrouver sa grandeur d'antan et encore moins pour retrouver des compagnons prêts à donner leur vie pour elle.

Peut-être restaient-ils quelques fanatiques de l'Impératrice Désastre dans les coins reculés de Fiore ? Novembre arriva bientôt en vue d'une forêt. Elle y pénétra, bien décidée à faire une pause dans sa marche. Elle avait mal aux jambes. La jeune femme se trouva une clairière avec un tronc d'arbre couché où elle s'assit en soupirant d'aise.

Là, elle fit gigoter ses pieds devant elle et retira son masque pour l'accrocher à sa taille. Nul besoin de se cacher désormais. En revanche, le conseil devait se souvenir d'elle et de son nom. Si elle voulait mener ses affaires tranquillement, elle devait changer de nom. Une fois encore. Après de longues minutes de réflexion, elle opta pour Pandore. La femme dotée de tous les dons des dieux qui faisait le malheur de l'humanité. Voilà qui lui convenait parfaitement. Et elle sourit à nouveau, s'amusant d'avoir ce genre de pensées et que des philosophes de comptoir décortiqueraient ce nom pour tenter de comprendre ses motivations.

Un bruit la tira finalement de ses réflexions.
Curieuse, elle jeta des regards rapides aux alentours. Peut-être verrait-elle un cerf ou un petit écureuil si elle faisait attention ?

Pandore aurait voulu voir un daim ou un écureuil à travers la barrière que formaient les arbres autour d'elle. Sans bouger, comme si elle était encore dans son cocon de pierre, elle balayait les environs de son regard embrasé. Il ne fallait surtout pas faire peur aux animaux, sans quoi ils fileraient sans demander leur reste et elle n'aurait pas le temps de s'émerveiller devant eux.

Malheureusement pour elle, nul petit rongeur n'apparut au détour d'un tronc noueux. Le silence se fit d'ailleurs, à son grand étonnement et lorsqu'elle tourna la tête pour un nouvel examen des lieux, elle croisa un instant le regard d'un autre être humain. Une personne dans les bois, autre qu'elle ? Voilà qui lui sembla bien étrange. Et ce type devait être un mage noir, peut-être appartenait-il même à la fameuse guilde d'Ultima Nova. Si c'était le cas, cela valait le coup de l'interroger sur ses intentions. N'étant pas restée statufiée assez longtemps après la prise de pouvoir de la guilde, Pandore ignorait ce qui l'avait conduite à destituer le conseil et cela l'intriguait.

Fait étrange, ce garçon la fixait avec un air désagréable. Comment le qualifier ? Prétentieux ? Non, ce n'était pas exactement ça, c'était plutôt... plutôt... Non, pas possible. Il la regardait avec mépris. Pandore crut halluciner. Non mais quel culot ! D'accord, on l'avait oublié mais tout de même, ce n'était pas une raison pour lui faire cet affront, enfin...

<< Qui crois-tu être ? Ton regard est puissant, mais rien de visible ne laisse le prouver.>>

Alors là, c'était le bouquet. Non content de la bafouer du regard, ce petit impertinent l'insultait même.
Pandore resta interdite un moment. Elle réfléchissait à la meilleure marche à suivre. Devait-elle le tuer directement ou l'amener à regretter lui-même ses paroles ? Après tout, elle avait besoin de recréer son armée de serviteurs. L'orgueilleuse se rendit compte alors que cette pensée l'obnubilait depuis qu'elle avait retrouvé sa conscience. Se retrouver complètement seule l'inquiétait.
Elle ferma les yeux ; son visage perdit toute expression puérile d'orgueil mal placé pour ne laisser place qu'à la mélancolie.

Comme un voile plaqué sur son âme. Une étoffe amère qu'elle écarta rapidement pour se concentrer sur le jeune homme maculé de sang. Et un petit sourire éclaira son visage. En à peine quelques instants, les émotions s'étaient succédées sur le visage de la belle. Déroutant pour quiconque s'en rendait compte, la faisant même presque passer pour quelqu'un de faux et totalement superficiel. Une mauvaise actrice qui aurait besoin de se remettre rapidement au travail pour améliorer son jeu.

Pandore finit par se mettre debout sur le tronc d'arbre couché où elle était assise. Les yeux plantés avec arrogance sur l'impertinent, elle lui répondit :

~ Je suis Pandore, mon garçon. Sais-tu ce que cela signifie ?

Sans attendre de réponse, elle enchaîna.

~ Non, bien sûr que non... C'est déjà bien de te rendre compte que tu as à faire à plus fort que toi, mais tu devrais apprendre à mesurer tes paroles, jeune homme. Mes démonstrations conduisent toujours à la mort ou à la servitude.

Son sourire s'élargit un peu, dans une expression à mi chemin entre séduction et provocation. Pas franchement subtile, la jeune femme espérait l'impressionner avec ces différents artifices. Il ne lui resterait plus ensuite qu'à lui donner une bonne raclée et le prendre à son service. Un plan simple mais qui lui semblait parfait.

~ Que choisis-tu ?

Parfait. Parfait à condition d'avoir la puissance pour l'exécuter. Et ça, c'était pas gagné, gagné...